Pourquoi le dépassement a-t-il un impact sur l’économie du pays ?
L’avenir n’a jamais été aussi prévisible. Nous savons que les gens voudront manger et dormir. Ils veulent aussi être mobiles, se sentir en sécurité et s’amuser. En outre, il est évident que nous vivrons dans un monde où le changement climatique s’accentuera et où les ressources seront de plus en plus limitées. Cela est vrai dans tous les scénarios imaginables. De plus, cet avenir se rapproche de nous plus rapidement que la vitesse d’adaptation de nos villes, nos entreprises, nos infrastructures énergétiques et nos systèmes alimentaires.
Par conséquent, la sécurité des ressources écologiques d’un pays devient un indicateur central de sa puissance économique. La guerre prolongée en Ukraine et les perturbations qu’elle a entraînées sur les ressources en sont une illustration. Cette guerre a mis en évidence notre fragile dépendance à l’égard des énergies fossiles. Des efforts massifs nous ont aidés à nous émanciper de l’approvisionnement russe, mais notre dépendance à l’égard des énergies fossiles reste énorme.
Une transition rapide en matière d’énergie et de ressources vaudra au monde en général un changement climatique moins extrême et à chaque acteur en particulier une situation beaucoup plus fiable en matière de ressources. Quand on songe qu’aujourd’hui, la Suisse consomme 4,4 fois plus que ce que ses propres écosystèmes peuvent régénérer.
En prolongeant notre dépendance aux énergies fossiles, nous augmentons le risque de nous retrouver avec des actifs moins utiles (et, à terme, échoués), des tensions mondiales et des troubles politiques. La sécurité alimentaire devient particulièrement critique, avec des implications directes pour l’économie mondialement intégrée de la Suisse.
Ceux qui retardent leur transition en matière d’énergie et de ressources s’exposent à des risques de plus en plus importants et inégaux. Les inégalités se creusent entre ceux qui se préparent judicieusement et renforcent leur résilience et ceux qui attendent, s’affaiblissant eux-mêmes. Ceux qui ne s’engagent pas dans le changement prendront du retard. C’est un double risque, car ils seront fragiles dans un monde de plus en plus fragile. « Il n’est pas certain que la Suisse ait la volonté de se préparer de manière adéquate à l’avenir prévisible du changement climatique et de la limitation des ressources. La guerre en Ukraine a peut-être été un signal d’alarme, mais en même temps, la volonté politique de changer réellement de cap est encore faible, » a déclaré Mathis Wackernagel, président de Global Footprint Network. « Même si la Suisse fait des efforts, notamment en améliorant l’efficacité thermique des maisons ou en utilisant de l’électricité d’origine hydraulique, le pays est encore loin d’être apte à fonctionner dans un monde en proie à un dépassement persistant. Le fossé reste immense. »
Sur la base des données de 2018, la consommation alimentaire des résidents suisses a nécessité à elle seule la capacité de plus d’une Suisse entière. Leur mobilité a requis la même quantité. Au total, 77 % des ressources biologiques nécessaires aux Suisses proviennent de l’étranger.
Le logement à lui seul représente environ 1/6e de la demande totale. Dans ce contexte, nous nous sommes associés à Eberhard, une entreprise de construction qui fait œuvre de pionnier en matière de recyclage des déchets de construction. Patrick Eberhard, membre du conseil d’administration de l’entreprise, souligne que « l’infrastructure a des effets de verrouillage considérables. Pour le meilleur ou pour le pire. C’est pourquoi la qualité de la construction est une pièce maîtresse du puzzle. »
Les villes, les entreprises ou les pays qui ne se préparent pas à l’avenir prévisible évoqué plus haut seront largement désavantagés. Il va être de plus en plus essentiel d’agir vite, tout en faisant bien les choses, car l’infrastructure physique des villes et des entreprises s’adapte plus lentement que l’avenir aux ressources limitées qui s’annonce. Comment la Suisse se positionne-t-elle ? Quelles sont nos options ?
La figure ci-dessus compare le nombre de Suisses nécessaires à la consommation annuelle de ressources des habitants de la Suisse au nombre de Terres nécessaires si l’humanité entière vivait comme les habitants de la Suisse.
Une chose est évidente. La vitesse et l’ampleur avec lesquelles la Suisse transforme son économie érodent les perspectives à long terme de la Suisse.